Wenk

L’oiseau qui figure dans l’œuvre n’est peut-être qu’une vulgaire corneille, mais Sylvain Bouthillette a choisi de la centrer et de l’agrandir pour la magnifier. Elle fait partie d’un répertoire animalier plus vaste, qui compte entre autres des lièvres, des abeilles et des oursons, constitué par l’artiste depuis le début des années 1990, et qui habite ses peintures, ses dessins et ses estampes. Bouthillette traite le monde animalier en alter ego de l’humain ; malgré ses dehors bon enfant, le bestiaire de l’artiste cherche à soulever des interrogations existentielles parfois graves, qui n’ont rien à voir avec la psychologie populaire. La réflexion de l’artiste sur le sens de l’existence lui vient plutôt du bouddhisme dont il dit ouvertement être un adepte. Le fond coloré sur lequel se détache le volatile en gros plan campe d’ailleurs un espace indéfini parcouru de points lumineux (les pastilles blanches, rouges et jaunes) évocateur d’une réalité sidérale, qui reste cependant toujours liée à la matière. Les signes graphiques noirs concourent aussi à suggérer ce paradoxe, à concilier l’effet d’une empreinte réelle de la matière – un tracé erratique à la manière sauvage typique de la bad painting états-uniennes dont l’artiste est l’héritier–, à la substance éthérée d’un flux d’énergie. Quant au mot « WENK » qui figure au bas comme un logo, il est le nom d’une compagnie en construction suisse que Sylvain Bouthillette s’amuse sans détour à importer ici, insufflant à son œuvre une pointe d’humour, d’insolence et d’absurdité.