Interligne 23

Daniel Lahaise pratique le portrait en contrecarrant ce qui traditionnellement caractérise le genre, à savoir la ressemblance entre le modèle et sa représentation. Plus encore, les méandres qui couvrent la surface de bois ont difficilement à voir avec la figure humaine, comme si l’artiste, finalement, s’adonnait plutôt à l’abstraction. Une rencontre a cependant bien eu lieu avec un modèle, mais le processus de travail adopté par l’artiste a contribué à embrouiller son image.

Avant d’attaquer le tableau, Lahaise passe par de la projection vidéo et du dessin afin de réaliser des pochoirs qui servent ensuite à appliquer la peinture en aérosol noire. Par le traçage aléatoire de lignes et leur découpage compulsif en pochoir, l’artiste se laisse surprendre par l’image qui apparaît sur la surface de bois, au préalable recouverte d’un aplat coloré. La reconnaissance immédiate entre le modèle et son image s’en trouve sabotée, même pour l’artiste, qui a multiplié les étapes et les transferts d’une technique à l’autre. Cet exercice, Lahaise l’a répété maintes fois, Interligne 23 faisant partie d’une série de plusieurs tableaux. La déconstruction du sujet par l’artiste force ainsi le spectateur à plonger longuement son regard dans l’œuvre et à sonder son fin réseau de lignes à la recherche de figuration. À sa façon, l’artiste revisite les conventions de la peinture et du dessin en redonnant à l’image ce que la culture du divertissement lui a enlevé : un pouvoir d’intriguer dans la durée.